Trieste – la littérature pour territoire propose de saisir sur le vif la triestinité, ses métamorphoses et son actualité au-delà des clichés de la « Trieste-patriotique » et de la « Trieste-ville-frontière(s)-cosmopolite » qui ne sont que caricatures faisant écran à son originalité. L’exploration du champ littéraire dévoile une ville qui ne figure sur aucune carte et s’impose comme seul territoire à même de donner consistance aux altérités de Trieste, à un espace à la fois « singulier pluriel », libre et ouvert sur l’avenir. On doit à Angelo Ara et Claudio Magris l’heureuse formulation : « la triestinité existe dans la littérature, sa seule vraie patrie, autrement il est impossible de la situer avec précision. Trieste, plus peut-être que d’autres villes, est littérature, sa littérature. » (Angelo Ara et Claudio Magris, Trieste, une identité de frontière, Seuil, 1991).
L’ouverture propose une mosaïque d’écrits de Roberto (Bobi) Bazlen (1902-1965), Carolus L. Cergoly (1908-1987), Ferruccio (Fery) Fölkel (1921-2002), Anita Pittoni (1901-1982), Umberto Saba (1883-1957) et Italo Svevo (1861-1928). Le livre se métamorphose ensuite en une constellation de photographies et d’essais proposant un regard neuf sur des écrivains majeurs : Boris Pahor (1913-2022), Biagio Marin (1891-1985), Scipio Slataper (1888-1915), Giani Stuparich (1891-1961) et Paolo Rumiz. Les portfolios des photographes Mario Magajna (1916-2007), Laura Marocco, Anja Čop et Wanda Wulz (1903-1984) n’illustrent pas seulement les textes, ils les prolongent. Le sens naît de la juxtaposition des éclairs des mots et d’images. Si Trieste a été présentée comme « un collage où le temps ne guérit pas les blessures », il n’en demeure pas moins que l’espace littéraire indique la latence du possible, une ouverture non encore performée.