Parti(cipa)tion de l’espace

Anri Sala & Christophe Solioz, Genève: Georg - collection Espace singulier pluriel, à paraître en 2024.

La parti(cipa)tion de l’espace propose un triptyque composé de deux essais accompagnant un portfolio-montage de quelque 200 pages faisant résonner les installations d’Anri Sala avec l’espace, montrant ce que le langage empêche de voir : outre les photographies des installations, le livre présente des dessins et croquis de l’artiste (inédits), des plans de situation et des perspectives axonométriques, ainsi que des photographies de l’espace chaque fois considéré.

L’enjeu est de capter l’espace – aussi bien architectural que musical – poétiquement en présentant une sélection d’installations emblématiques d’Anri Sala dans leur relation à l’espace. Si les performances relèvent de techniques narratives innovantes combinant musique, visuel et architecture, l’œuvre exposée s’inscrit à son tour dans un espace sonore et architectural. À ces deux niveaux, Anri Sala fait « jouer » l’architecture, jouer comme on le dit d’un instrument : le son forme avec l’architecture un duo qui crée, définit et articule un espace, l’architecture devenant tout à la fois l’égale de la partition et le cadre du son.

Ravel Ravel (2013) et Time no Longer (2021) se situent dans un environnement entièrement « aseptisé » – respectivement une chambre « sourde » et l’apesanteur d’une station spatiale virtuelle – annihilant toute sensation d’espace. L’« entre », l’intervalle des tempos respectifs, la juxtaposition de deux performances mêlant (ravel) et démêlant (ravel) le son donnent accès à un « non-lieu », un espace autre, un espace « entre » ; un « espace » qui est aussi – au plan ontologique – le nom de l’« être » (Jean-Luc Nancy, Les Muses, Galilée, 1994, p. 39).

L’espace, le son et le temps sont littéralement « espacés » dans l’œuvre d’Anri Sala qui nous offre la possibilité d’apparaître à nous-mêmes précisément à partir d’une expérience de l’espacement déjà marquée d’architecture pour paraphraser Jacques Derrida (Psyché, inventions de l’autre, Galilée, 1987). De performance en performance, les différentes œuvres prises séparément ou synchronisées entre elles dans une exposition exposent une poétique, une partition ouverte, un processus créatif appelant la performance.

NB: titre provisoire et projet de couverture.

Anri Sala, Time No Longer, Kunsthaus Bregenz (KUB), 2021 © Markus Tretter. Courtoisie Anri Sala